L’école d’animation, jeu vidéo et design Rubika a organisé une conférence de presse à Paris, à l’attention de médias et entités des secteurs de l’animation, du jeu vidéo ou de l’éducation.
3DVF était sur place lors de cet échange assez libre, qui a permis de couvrir de nombreux sujets. En voici les principaux axes.
Sommaire
- Rubika ?
- De nouvelles formations, et cap sur le Canada
- Diversité sociale : bourses et enjeux
- Comment les écoles fixent-elles leurs prix ?
- Emploi en sortie d’école : un poste malgré la crise ?
- Les troubles psychiques, un sujet central
- IA : quelle place dans l’école ?
- Un campus à la Réunion !
- Rubika, un avenir à suivre
Rubika ?
Reposons tout d’abord les bases. Rubika dispose actuellement de trois campus à Valenciennes (environ 1000 élèves au total, toutes promotions et filières confondues), Montréal (200 étudiants) et La Réunion (30). Nous reviendrons plus bas sur ce nouveau campus.
L’école forme à l’animation depuis la fin des années 80, mais aussi au design industriel et, depuis le début des années 2000, au jeu vidéo. Une diversification progressive assez classique pour ce type d’école : ARTFX, Piktura, par exemple, ont aussi mis en place de nouvelles formations au fil des années.
Rubika a adopté un statut associatif en 2015, un choix identique à d’autres écoles comme Lanimea, L’Ecole des Nouvelles Images, Georges Méliès, La Poudrière. Par rapport à une école privée classique, ce choix implique que les bénéfices dégagés sont réinjectés dans l’école. Rubika a aussi souligné qu’être une association est une barrière supplémentaire face au risque d’un rachat par un grand groupe éducatif privé.
De nouvelles formations, et cap sur le Canada
Pour la rentrée 2024, l’école lance deux nouvelles formations : Game Programming (en partenariat avec IMT Nord Europe) et un Bachelor en Management et Tech Design, en partenariat avec l’IESEG (une école de commerce).
Rubika nous a aussi parlé de ses semestres d’immersion à Montréal, initiés il y a 3 ans. L’école est manifestement ravie du résultat, et étend le dispositif : jusqu’ici réservé aux élèves de seconde année en design de Valenciennes, le système sera désormais proposé aux élèves en jeu vidéo, avant une extension aux élèves d’animation dès la rentrée 2025.
Diversité sociale : bourses et enjeux
Autre point majeur de cette rentrée : l’école a reçu le visa de l’état, une certification qui s’ajoute à l’enregistrement RNCP niveau 7.
Sans rentrer dans les détails techniques, cette certification supplémentaire a une conséquence très positive : elle permet aux élèves de recevoir des bourses du CROUS. Un point loin d’être anodin, étant donné que le coût des écoles d’animation, jeu vidéo, design est un problème de fond (les conférences RADI-RAF avaient mis en avant ce sujet en 2021). Cela pose des problèmes de financement importants pour les élèves, et crée un frein majeur à une plus grande diversité sociale dans la filière. Il y a donc un vrai enjeu, dont les écoles devraient se saisir davantage.
Rubika ne fuit d’ailleurs pas le sujet : « on est toujours trop chers », a constaté lors de la conférence de presse Stéphane André, le directeur général de Rubika.
D’où la volonté de l’école de ne pas s’arrêter à ce constat, et de multiplier les systèmes d’aide pour les élèves.
En pratique, 21% des élèves de Valenciennes sont éligibles aux bourses CROUS, qui permettent de recevoir des montants tournant autour de 7000€ par an au maximum, en fonction des ressources familiales.
Outre ces bourses CROUS, une bourse au Mérite a été lancée en 2019, avec un système de fondation alimentée par des mécènes. Les élèves concernés ont droit à une aide de 2000€ en moyenne.
Autre axe développé par l’école, un système « cordées de la réussite » avec accompagnement d’élèves plus jeunes, essentiellement de collégiens, avec 9 établissements et 131 élèves tutorés. L’idée étant d’agir tôt pour susciter des vocations chez des jeunes qui n’auraient pas osé se projeter sur des carrières dans l’animation, le jeu vidéo ou le design.
Dans la même veine, des stages découverte ont lieu chaque été avec stage pratique de 4 jours pour une cinquantaine de collégiens.
Des initiatives qui rappellent ce qu’ont mis en place d’autres écoles du secteur, mais aussi les programmes extrascolaires TUMO ciblant les 12-18 ans.
Toucher de nouveaux publics, permettre aux élèves aux ressources plus limitées de bénéficier des bourses CROUS : deux initiatives à l’impact positif.
Comment les écoles fixent-elles leurs prix ?
Evidemment, la question du coût des études pour les élèves en pose une autre : comment les écoles déterminent-elles le prix des études ? Le directeur de l’école Stéphane André s’est montré franc sur ce sujet. Il nous a expliqué que comme beaucoup d’élèves prennent un prêt étudiant, c’est donc la durée de remboursement qui détermine le coût.
Concrètement, explique Stéphane André, l’école doit coûter de 10 à 20 fois le montant du salaire brut mensuel en sortie. En pratique, la fourchette est plus resserrée, et dépend de la filière.
Charge ensuite à l’école de travailler avec ces montants. Stéphane André nous précise que le chiffre d’affaires de Rubika est d’environ 10 millions d’euros, avec un résultat net de 10 à 20 000€ par an.
Emploi en sortie d’école : un poste malgré la crise ?
Le marché de l’emploi reste très tendu, que ce soit en animation, effets visuels ou jeu vidéo. Grèves à Hollywood, chute des investissements des plateformes de streaming, licenciements de masse dans le jeu vidéo après une euphorie d’investissement durant le coeur de la pandémie : les facteurs sont multiples, et le constat est amer.
Les élèves sortant des écoles l’an passé ont donc eu du mal à se placer dans les studios, quelle que soit la qualité de leur formation. Ce constat était notamment assez largement partagé par les écoles avec qui nous avons échangé au Festival d’Annecy en juin, ou durant les jurys de fin d’études 2024.
Nous attendions donc les chiffres d’insertion de Rubika. L’école nous annonce que selon la filière, 80 à 90% des élèves de la promotion 2023 ont trouvé un poste 9 mois après la fin des études.
Certaines écoles peu scrupuleuses cherchent à gonfler leur taux de placement en prenant en compte les élèves qui finissent par accepter un travail hors de la filière de leur cursus : ce n’est pas le cas sur ces chiffres, insiste Rubika.
L’école rappelle d’ailleurs qu’elle travaille au sein du RECA (association qui regroupe des écoles d’animation et VFX françaises) sur la mise en place d’un processus de certification des données d’emploi des filières animation/VFX à la sortie des écoles. Le but étant, justement, de se démarquer des pratiques de comptage douteuses de certaines écoles, qui ne donnent pas aux jeunes et à leurs familles des données fiables pour choisir une école en connaissance de cause.
Nous aurons l’occasion de revenir bientôt plus en détail sur ce projet du RECA.
Rubika considère que les deux années à venir resteront difficiles en termes d’emploi, mais compte notamment sur l’international et sur l’autonomie des élèves pour favoriser leur embauche.
En termes de tendances, les élèves de la filière de formation jeu vidéo qui s’intéressaient surtout aux studios produisant des jeux à gros budget il y a quelques années s’intéressent désormais davantage aux studios indépendants, voire même la création de studios : cela reste évidemment minoritaire, mais l’évolution est réelle.
Côté animation, il y a plus de frilosité, et les élèves ne cherchent pas à créer de studio en sortie d’école. Les studios hors de France restent un débouché majeur (environ 40% de la promotion).
Les troubles psychiques, un sujet central
Rubika a également souhaité nous parler de la santé psychique des élèves. Un sujet tabou dans bien des établissements, que l’école souhaite aborder frontalement. Nous avons donc apprécié que le sujet ne soit pas glissé sous le tapis.
Pour le directeur général de Rubika Stéphane André, environ un tiers des élèves traversent durant leur scolarité un ou des « épisodes dépressifs caractérisés », pour reprendre le terme médical consacré.
Cette expression recouvre des vécus assez divers, pouvant aller de quelques symptômes dépressifs à des situations bien plus graves.
Rubika nous explique avoir voulu ne pas se contenter de faire gérer l’accompagnement moral et psychologique des élèves par l’équipe pédagogique : une infirmière est présente à plein temps sur le campus, et propose des entretiens aux élèves. Un choix qui nous semble préférable, puisque les équipes pédagogiques ne sont généralement pas formées à ces sujets. Pour Rubika, cette décision correspond à « un vrai besoin qui n’était pas adressé avant ».
L’école précise aussi que l’infirmière utilise entre autres l’aromathérapie et la réflexologie. Nous devons cependant rappeler ici que l’efficacité de ces pratiques fait débat, tant sur leur efficacité que sur leur champ d’action (voir les liens pour plus de détails). La réflexologie, en particulier, n’a jamais apporté la preuve de ses bénéfices supposés. Reste que pouvoir discuter avec une professionnelle de santé est un premier pas vers une prise en charge médicale du problème, et donc des soins.
Rubika admet devoir encore progresser sur le suivi des élèves. Une de ses priorités est d’éviter le ressenti de surcharge de travail, en incitant les élèves à ne pas faire de multitâche et à bien séparer les phases de travail et de loisirs : pas de Netflix durant les exercices, en somme.
Nous avons demandé à Stéphane André si cette démarche sur la santé psychique des élèves était liée au COVID, les premiers mois de pandémie ayant pris beaucoup d’écoles de court. Nous avions échangé en 2020 avec des établissements parfois désemparés face au mal-être de certains élèves.
Stéphane André nous a répondu que la démarche trouve une autre origine : elle vient du constat de taux élevés d’abandons en cours de cursus : 20 à 22% il y a 5 ans. L’école voulait limiter ces départs, qui ont évidemment un impact sur les élèves concernés (psychologiquement et en termes de temps et argent perdu, surtout s’ils changent de filière), mais aussi sur le reste de la promotion et l’équipe pédagogique.
Stéphane André précise que ce taux d’abandon a baissé de façon nette avec les changements mis en place.
IA : quelle place dans l’école ?
Autre sujet de taille : l’IA générative. Rubika a mené une enquête chez ses alumnis, avec environ 400 réponses réparties entre jeu vidéo, animation, design industriel.
Quelle que soit la filière, le ressenti est le même, selon Rubika : celui d’une menace claire de l’IA sur l’emploi. Les alumnis soulignent l’importance des enjeux éthiques, légaux. A noter, l’IA ferait surtout peur aux petites entreprises.
L’école présente sa position et celle des alumnis comme étant pragmatique : « il va falloir faire avec ». Rubika explique qu’elle propose quatre conseils aux élèves :
- Importance de maîtriser les bases créatives avant l’utilisation de l’IA
- Apprendre à utiliser les outils d’IA dans une logique de collaboration tout en comprenant les limites
- Education à l’éthique et aux enjeux légaux de l’IA
- Apprendre aux étudiants à mener une veille technologique afin de suivre les évolutions de l’IA
Concrètement, les élèves doivent avoir un usage très restreint de l’IA dans les années 1 à 3, et peuvent s’en servir en années 4 et 5, sous réserve d’expliciter leur part de travail. Le 100% IA reste interdit.
L’école propose en outre des conférences sur le sujet à ses élèves, notamment avec Quentin Auger de Dada ! Animation. Rubika souligne par contre qu’il est difficile de trouver des personnes adaptées pour parler plus spécifiquement des enjeux éthiques.
A noter : l’école constate l’arrivée d’IA générative dans les portfolios présentés par les futurs élèves. Pas sous forme de triche, avec des personnes qui postulent en faisant passer les images de l’IA pour leurs créations, mais sous forme assumée : par exemple, en prenant une image générée par IA comme base retravaillée et explicitée comme telle.
Un campus à la Réunion !
Dernier point abordé, et pas des moindres : Rubika nous a aussi parlé du lancement de son nouveau campus à la Réunion. L’initiative est venue du studio Gao Shan Pictures (qui a travaillé sur Mars Express, Sirocco et le Royaume des courants d’air, J’ai perdu mon corps…). Le studio a contacté deux écoles, dont Rubika, en vue de répondre à l’appel à projets « Grande Fabrique de l’image » dans le cadre de France 2030 (voir notre article sur les projets retenus). Dans le cadre de cet appel, le projet de campus réunionnais a bénéficié de 1,9 millions d’euros d’aides.
Le but monter une école qui répondra notamment aux besoins de l’Afrique de l’Est en matière de formation, et donc accompagner la dynamique locale. L’écosystème jeu vidéo est déjà assez développé à la Réunion, et Studio Pitaya, entre autres, collabore avec Rubika.
Le campus a ouvert le 30 septembre, dans des locaux provisoires et avec une trentaine d’élèves. Le campus définitif sera inauguré en 2026 (une ancienne école primaire qui sera réhabilitée). A terme, environ 200 élèves sont prévus, toutes filières et tous niveaux confondus.
Le campus est dirigé par Alexandre Col.
Rubika veut insister sur l’identité régionale, notamment pour les projets des élèves. L’école souligne par ailleurs que l’enjeu social sera très fort, car le taux de futurs élèves susceptibles de bénéficier d’une bourse est très élevé à la Réunion. Comme le campus vient de se lancer, les élèves ne peuvent pas encore bénéficier de toutes les aides disponibles, mais c’est un axe central sur lequel l’école se concentre. D’autant plus que le coût de l’école pour les élèves est quasi identique à celui des études dans le reste du groupe Rubika.
Les élèves de la première promotion sont quasiment tous réunionnais, mais là encore l’objectif initial n’est pas oublié. Pour attirer des élèves de l’ensemble de l’Afrique de l’Est, un enjeu crucial sera de mettre en place des cours en anglais. Il faudra aussi développer les logements, en trouvant des appuis proches du campus : contrairement à d’autres écoles qui sont en partie des opérations immobilières, en proposant elles-mêmes des logements en location, Rubika préfère ne pas se lancer elle-même sur ce terrain.
Nous suivrons évidemment l’évolution de ce campus. Comme l’explique le directeur de Rubika, au-delà des objectifs déjà cités, le premier enjeu est évidemment de rendre l’école viable économiquement, au-delà des aides de lancement liées à France 2030.
Il sera aussi intéressant de suivre les débouchés en sortie.
Rubika, un avenir à suivre
3DVF suivra évidemment de près les évolutions de l’école dans les années à venir. D’ici là, n’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux sociaux: Facebook, X/Twitter, Instagram, LinkedIn, Youtube.
Pour les élèves de Rubika, si vous ne nous connaissiez pas déjà, nous vous invitons à découvrir nos dernières actualités et interviews sur l’animation, les VFX, la VR/XR, le jeu vidéo et bien plus encore : situation des studios au Québec, concours de rendu automobiles, coulisses des effets du film Kaizen d’Inoxtag, interview avec Stim Studio, usage d’Unreal sur des documentaires, coulisses de la future série Secret Level, notre interview vidéo de Fortiche… Suivez-nous sur les réseaux pour ne rien manquer !
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